de Fredy Künzler
Temps de lecture: 9 minutes
La construction de réseaux FTTH en fibre optique du point de vue des propriétaires immobiliers
Depuis plus de 15 ans, les immeubles résidentiels et commerciaux en Suisse sont équipés de la fibre optique FTTH. Après un scepticisme initial de la part de certains propriétaires, l’idée selon laquelle la FTTH n’est pas un simple plus, mais une nécessité pour les locataires s’est désormais imposée. Un bien immobilier équipé de la FTTH a tout simplement plus de valeur qu’un bien qui ne l’est pas.
Mais il n’y a pas si longtemps encore, les locataires dépendaient de la bonne volonté de leur propriétaire. Ce n’est qu’avec la nouvelle Loi sur les télécommunications (LTC) que la situation a changé- nous avons rendu compte de ce nouveau cadre juridique dans notre blog en 2021.
L’article 35 LFMG oblige les propriétaires fonciers à :
Les articles 35a, alinéa 1, et 35b de la nouvelle LTC sont particulièrement pertinents pour les propriétaires immobiliers privés et institutionnels.
L’article 35a, alinéa 1, exige la tolérance de différents fournisseurs de services de télécommunication (FST), également appelés fournisseurs d’accès à Internet.
1 Dans la mesure où cela est raisonnablement exigible, le propriétaire doit tolérer, en plus du raccordement de son choix, d’autres raccordements jusque dans les locaux d’habitation ou commerciaux si des fournisseurs de services de télécommunication le demandent et en supportent les coûts.
L’article 35b, en revanche, régit le droit d’usage commun des câblages à l’intérieur du bâtiment.
1 1 Dans la mesure où cela est techniquement envisageable et en l’absence d’autres motifs importants de refus, tout fournisseur de services de télécommunication a le droit d’accéder au point d’introduction au bâtiment et de co-utiliser les installations domestiques qui sont destinées à la transmission d’informations au moyen de techniques de télécommunication.
2 Les propriétaires et les fournisseurs de services de télécommunication sont tenus de permettre la co-utilisation des installations domestiques de manière transparente et non discriminatoire.
3 Les propriétaires doivent remettre aux fournisseurs qui le demandent les informations indispensables relatives aux installations domestiques.
4 Les fournisseurs qui ont financé les installations doivent être dédommagés de manière appropriée.
5 Sur demande, la ComCom statue sur les litiges entre fournisseurs de services de télécommunication portant sur l’accès au point d’introduction au bâtiment ou sur les conditions de la co-utilisation. L’art. 11b est applicable par analogie.
Les propriétaires immobiliers ont donc une obligation. Ils doivent garantir l’accès à tous les opérateurs de télécommunications et ne pas faire de discrimination. Le législateur souhaite ainsi garantir la concurrence dans le domaine des télécommunications afin qu’aucun acteur ne puisse établir de monopole sur un marché (village, quartier, etc.). Le choix des clients finaux doit être garanti, indépendamment de leur bailleur.
D’un point de vue juridique, un monopole ou une position dominante sur le marché se réfère toujours à un marché spécifique. On parle alors de délimitation du marché. Le marché pertinent peut être très petit et se référer, par exemple, à un seul bâtiment.
Dans de nombreux endroits, les bâtiments ne sont raccordés que par un opérateur de réseau (constructeur de fibre optique FTTH), qui peut d’ailleurs être identifié grâce à l’inscription apposée sur la prise fibre optique (OTO-ID). Pour en savoir plus, consultez l’article de blog «La systématique de l’OTO-ID».
La superstructure absurde
Dans certaines régions de Suisse, on observe une « surconstruction ». C’est ainsi que l’on qualifie la situation dans laquelle des opérateurs concurrents raccordent deux fois les mêmes bâtiments e et appartements. Deux OTO avec quatre fibres chacun dans un appartement, alors que presque personne ne s’abonne à plus d’un service. Le secteur s’accorde largement à dire que la « surconstruction » est absurde sur le plan économique, qu’elle gaspille des ressources et qu’elle est rarement. Toutefois, en raison de la formulation imprécise de l’article 35b de la LTC, une procédure judiciaire est en cours depuis un certain temps pour en déterminer l’interprétation exacte. L’alinéa 2 régit en effet les milieux concernés par cet article de loi :
2Les propriétaires et les fournisseurs de services de télécommunication sont tenus de permettre la co-utilisation […] et non discriminatoire.
Le législateur impose donc des obligations aux propriétaires et aux fournisseurs d’accès à Internet.
Dans certaines zones de marché en Suisse, notamment Ascona, Baden, Chiasso, Massagno, Morges, Pully, Siggenthal et Wettingen, le groupe privé Swiss4Net est actif et raccorde des milliers de foyers à la FTTH. De son côté, Swisscom ne veut pas céder ces zones plutôt urbaines à la concurrence sans se battre et raccorde donc également ces localités. Cela conduit inévitablement à des doublons, bien visibles sur notre carte FTTH à l’exemple de Wettingen (rouge : Swisscom et Swisscom/Swiss4Net disponibles, jaune : seul Swiss4Net disponible).

Source: Init7
Du point de vue des fournisseurs d’accès Internet alternatifs tels qu’Init7, cette situation est déplorable. Pour couvrir l’ensemble du marché, il faut deux points de présence (PoP) au lieu d’un seul sur le site afin de pouvoir réellement desservir tous les clients potentiels locaux. Cela implique des investissements plus importants et des coûts d’exploitation plus élevés.
Du point de vue des locataires ou des entreprises, la situation est également absurde : souvent, deux OTO sont simplement installés, comme à Siggenthal – par Swiss4Net et Swisscom :

Source: Init7
L’idée du législateur était d’éviter une telle situation avec l’article 35b LTC. Le premier fournisseur doit laisser le deuxième (ou troisième…) concurrent utiliser le câblage existant dans le bâtiment, le cas échéant contre rémunération. Mais Swiss4Net et Swisscom n’ont pu s’entendre ni sur le prix ni sur les modalités.
Swisscom engage une procédure contre Swiss4Net
Swisscom a donc déposé une demande d’accès auprès de l’autorité de régulation, la ComCom, afin que Swiss4Net soit contrainte, par décision administrative, de mettre à disposition les OTO qu’elle a construits. Swiss4Net estime toutefois que le législateur a délibérément laissé une lacune dans la loi sur les télécommunications (silence qualifié), car Swiss4Net n’est ni un fournisseur de services de télécommunication ni un propriétaire immobilier, mais un constructeur d’infrastructures en fibre optique, qui n’est pas mentionné dans la liste de l’article 35b, alinéa 2, LTC. La procédure est en cours depuis fin 2023, et depuis lors, les juristes se disputent sur le sens et l’objectif de l’article 35b. Dans son arrêt du 13 octobre 2025, l’autorité de régulation, la ComCom, ainsi que la deuxième instance, le Tribunal administratif fédéral (TAF), se sont rangés du côté de Swisscom (partie défenderesse). Le groupe Swiss4Net (partie plaignante) a porté le jugement devant le Tribunal fédéral ; il faudra donc probablement encore un certain temps avant que la situation ne soit clarifiée.
Supposons que Swisscom obtienne également gain de cause devant le Tribunal fédéral, c’est un retour à la case départ. Swiss4Net serait alors tenue de soumettre à Swisscom, dans un délai de six mois, une offre de co-utilisation des câblages et des OTO. Il ne faut pas beaucoup d’imagination pour se rendre compte que cette offre ne correspondra probablement pas à la fourchette de prix souhaitée par Swisscom. Un nouveau passage devant les instances est donc presque inévitable.
Le temps joue donc en faveur de Swiss4Net, car tant que Swisscom n’a pas accès aux OTO existants,un déploiement en double est difficile à justifier et à expliquer, et engendre des coûts supplémentaires. Ce litige n’est certainement pas dans l’esprit du législateur, qui souhaitait éviter les doublons coûteux.
Un objet litigieux, mais des compétences différentes
Un autre aspect déplaisant de l’article 35b LTC est que le législateur n’a pas attribué exclusivement à la ComCom le soin de régler les éventuels litiges. L’autorité de régulation n’est compétente que pour les litiges entre opérateurs de télécommunication, par exemple lorsque Sunrise souhaite raccorder les OTO construits par Swisscom dans un immeuble à son propre câble à fibre optique, mais que Swisscom souhaite l’en empêcher. Heureusement, un tel cas est hypothétique, car l’industrie s’est mise d’accord sur la procédure à suivre.
La situation est différente pour les propriétaires immobiliers récalcitrants, car la ComCom n’est pas compétente. Dans les nouvelles constructions, les OTO et le câblage sont financés par le maître d’ouvrage (clause dite « nouvelle construction », voir ci-dessous). Si celui-ci estime que Sunrise ne doit pas être installé dans l’immeuble parce que l’entreprise ne lui convient pas et limite ainsi le choix du fournisseur d’accès pour ses locataires, c’est une affaire qui relève du tribunal civil. À notre connaissance, aucune procédure n’a encore été engagée à ce jour – malheureusement, serait-on tenté de dire. Un jugement préjudiciel serait utile, selon les cas, lorsqu’un fournisseur d’accès alternatif (FDA) négocie avec des propriétaires immobiliers institutionnels.
La rentabilité d’un raccordement à la fibre optique
Pour un FDA, réaliser son propre raccordement dans les immeubles comprenant de nombreux appartements peut en effet s’avérer très lucratif. Dans de nombreuses villes et agglomérations, des immeubles de grande hauteur et des complexes immobiliers comprenant des centaines d’appartements ont déjà été construits ou sont en cours de construction, comme l’a récemment rapporté le Tages-Anzeiger (paywall). Un FDA peut rapidement calculer la part de marché à partir de laquelle un câble individuel ou un mini-PoP est rentable pour le raccordement. En effet, avec son propre raccordement, le loyer de la ligne d’alimentation par client est supprimé – chez Swisscom ALO, il s’élève actuellement à 24 CHF par mois.
Supposons qu’un FDA détienne une part de marché de 7 % dans un complexe de 500 logements, ce qui correspond à 35 clients. 35 * 24 CHF par mois ≃ 10 000 CHF par an. La construction d’un câble propre coûte, selon la longueur et les conditions (hypothèse : 500 mètres jusqu’au PoP le plus proche), environ 25 000 CHF en une seule fois et environ 100 CHF par mois (location de tuyaux KK-FMG). Après 44 mois (3 ans et 8 mois) d’exploitation, le seuil de rentabilité est atteint avec son propre câble. Au lieu de cela, le FDA peut bien sûr installer un mini-PoP dans le local technique du complexe immobilier et louer une ligne d’alimentation à un autre FDA, ce qui modifie le calcul du rendement de manière positive, selon les cas.
Cette demande n’est rentable que si le FDA peut se connecter aux OTO existants. Dans les nouvelles constructions, ceux-ci sont financés par le maître d’ouvrage, car on part du principe qu’il doit mettre à la disposition de ses locataires un câblage de télécommunication. Auparavant, il s’agissait d’un raccordement au réseau téléphonique et à la télévision par câble, mais aujourd’hui, on installe bien sûr la fibre optique FTTH à la place. Cette pratique est conforme à la clause dite « clause des nouvelles constructions ». Conformément à l’article 35b LTC, un FDA a le droit d’utiliser le câblage et les OTO et n’a pas à payer de frais d’utilisation au propriétaire, car ceux-ci sont déjà pris en charge par ses locataires.
Conseils FTTH pour les maîtres d’ouvrage
Nous avons récemment reçu la demande suivante d’une société de gestion immobilière :
Comment fonctionne exactement le raccordement à la fibre optique dans les nouveaux bâtiments (immeubles collectifs) ? Tantôt c’est UPC qui se manifeste, tantôt c’est Swisscom/Axians, et au final, en tant qu’entreprise de construction ou propriétaire, on conclut un contrat avec une société quelconque pour avoir la fibre optique dans le bâtiment. Ces entreprises se répartissent-elles les projets entre elles ou est-ce plutôt selon le principe « premier arrivé, premier servi » ? Quelle est concrètement la différence entre conclure un contrat avec UPC ou Swisscom ? Vous n’êtes bien sûr pas neutre, mais si vous construisiez un nouveau bâtiment, comment régleriez-vous le raccordement à la fibre optique ? Concluriez-vous des contrats avec plusieurs entreprises ? Il faudrait conclure un contrat avec au moins une entreprise, car c’est une obligation envers les locataires.
L’article 35b LTC répond assez bien à ces questions. Comme déjà mentionné, le maître d’ouvrage finance, en vertu de la clause relative aux nouvelles constructions, le câblage entre le local technique et les appartements (OTO). À cette fin, un ou plusieurs BEP (Building Entry Points) sont installés dans le local technique et un câble à 4 fibres est tiré vers l’OTO correspondant dans l’appartement. Afin d’éviter des complications ultérieures (accès aux appartements des locataires), il est recommandé d’épisser les 4 fibres de l’OTO et de les équiper d’un connecteur.

Source: Init7
Chaque OTO est alors disponible avec les quatre fibres dans le BEP sur une cassette. Conformément à l’article 35b LTC, une FDA a désormais le droit de revendiquer une fibre pour elle-même. Swisscom obtient généralement la fibre 2, Sunrise la fibre 4. La fibre 1 est souvent connectée par le fournisseur d’énergie local, la fibre 3 est à la disposition d’autres parties intéressées. La numérotation des OTO (B.xxx.xxx.xxx.y) est généralement effectuée par le premier FDA qui raccorde le bâtiment. Chez Swisscom, il s’agit des OTO B.110/B.111/B.112, chez Sunrise B.278, chez Init7 B.377 – nous avons expliqué le schéma des identifiants OTO dans le blog «La systématique de l’OTO-ID».
Il est donc conseillé au maître d’ouvrage de conclure plusieurs contrats afin d’offrir un choix maximal aux locataires. Il va sans dire qu’un contrat ne peut contenir de clause d’exclusivité ; une telle clause serait de toute façon nulle, car l’article 35b LFMG s’applique. Inversement, cela signifie que le maître d’ouvrage est même tenu de conclure des contrats non discriminatoires avec tous les FDA.
Ne pensez pas à la fibre optique au dernier moment
Il est bien sûr judicieux pour le projet de construction que le maître d’ouvrage invite en temps utile les FDA intéressés par le raccordement. Pour cela, il suffit de fournir quelques informations : adresse et/ou parcelle, canalisations de raccordement prévues, unités d’utilisation prévues (appartements, locaux commerciaux) et date prévue de première occupation. En temps utile signifie bien sûr avant que la fosse de construction ne soit rebouchée, car selon les cas, un FDA peut souhaiter poser sa propre canalisation pour l’alimentation. Plus un projet immobilier est important, plus il présente d’intérêt pour plusieurs FDA.
Les maîtres d’ouvrage ont bien sûr la possibilité de se faire conseiller de manière indépendante, car les contrats de raccordement sont généralement assez complexes. La société Strukturwerk , basée à Winterthur, est spécialisée dans le conseil aux promoteurs immobiliers institutionnels. Dans tous les cas, il est judicieux de se renseigner et de toujours considérer les recommandations du point de vue de la personne qui les formule. Un FDA a un intérêt commercial à produire ses abonnements Internet au moindre coût. Les locataires, en revanche, souhaitent disposer d’un choix aussi large que possible de connexions haut débit de bonne qualité à un prix avantageux. C’est également la volonté du législateur, qui impose donc des obligations aux FDA et aux propriétaires immobiliers.
FTTH à la demande – pour les propriétaires immobiliers
La question reste posée pour les propriétaires de maisons individuelles qui attendent depuis des années la fibre optique, mais qui vivent malheureusement dans une localité délibérément ignorée jusqu’à présent par Swisscom ou d’autres opérateurs de réseau. Il s’agit donc des zones blanches sur la carte de la fibre optique. Parfois – pas toujours –, il est possible d’accélérer le déploiement pour quelques milliers de francs. Le programme de Swisscom s’appelle « FTTH on Demand » et coûte environ 6 500 CHF pour une maison individuelle ou 10 000 CHF pour un immeuble de 4 appartements (prix indicatifs, sans garantie, en fonction des conditions locales). FTTH on Demand n’exige pas de souscrire un abonnement auprès de Swisscom après la mise en place de la connexion. En tant que client FTTH on Demand, vous avez de toute façon le libre choix du fournisseur d’accès. De même, les raccordements FTTH on Demand sont construits dans la topologie de réseau P2P (Point to Point), qui est obligatoire partout grâce à la bataille autour de la fibre optique.
Vous avez des questions concernant le raccordement FTTH dans les complexes immobiliers ? Veuillez écrire à support@init7.net et ouvrir un ticket. Veuillez noter que le traitement peut prendre quelques jours.